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jour : 21 mai 2016 |
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Félix Deutsch | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Siegfried
Bernfeld
L'analyste de F. Deutsch, S. Bernfeld, est une figure
importante de la Gauche freudienne. À la fois
biologiste, psychologue et pédagogue, Bernfeld milite
activement dans les organisations sionistes et
révolutionnaires de
Vienne. Il rejoint le mouvement psychanalytique en 1913,
protégé par
Freud, et s'intéresse notamment aux relations entre biologie
et
psychanalyse. Il est analysé par Hanns Sachs (1881-1947).
Fuyant la
montée du
nazisme, il quitte Vienne en 1934 et s'installe en France
(Menton), puis à San Francisco. Fervent partisan de
l'analyse profane,
il entre en conflit avec l'American Psychoanalytic
Association qui lui
interdit d'exercer comme psychanalyste, n'étant pas médecin.
(Daniel
Benveniste, Siegfried
Bernfeld(1892-1953) and the Spirit of Psychoanalysis, conférence donnée à San Francisco le 8 juin 2011. Voir ici.) Il n’est pas indifférent que la psychanalyse et la psycho-somatique aient très tôt intéressé le jeune interniste F. Deutsch. La médecine interne (Innere Medizin) est née en Allemagne en 1882. On notera qu'à plusieurs reprises, Freud prête à Josef Breuer des talents d'interniste. Discipline particulièrement complexe, elle est censée prendre en charge les patients souffrant de pathologies multiples ou qui restent inexpliquées par les spécialités d'organes comme, souvent, les maladies auto-immunes. L’interniste se tient au carrefour de la cardiologie, de la gastro-entérologie de l’endocrinologie, de l’allergologie, etc. Il n'exerce qu'en milieu hospitalier. La médecine interne ne sera reconnue en France que tardivement, en 1966. Et sa position n'est pas encore définitivement assurée. |
Si l'on
suit notre fil étymologique, on tombe assez vite sur la
question du
passage du psychische-somatische
d'Heinroth à l'actuel psychsomatik
en usage dans la langue allemande et les langues
européennes, et à son
irruption dans le champ psychanalytique. C'est Félix
Deutsch qui
l'aurait introduit en avril 1927 [1] au IIe Congrès de
Médecine
générale pour la psychothérapie, à Bad Nauheim (Hesse)
[2]. Gerrit Hohendorf [3] cependant a repéré un article antérieur dans lequel Deutsch emploie le terme « psychosomatischen », en 1923 [4]. Hohendorf note également un « psycho-somatischen » dans un article de Karl Landauer (1885-1945) en 1925 [5]. Il est intéressant cependant de constater que le mot psychosomatic (ou psychosomatik, ou même psychosomatische) figure rarement, à notre connaissance, dans la littérature psychanalytique, en allemand ou en anglais, même dans les articles de F. Deutsch, avant sa soudaine expansion aux États-Unis à la fin des années 1930. Jusqu'à cette date, Deutsch emploie plutôt les termes de bioanalyse ou psychobiologie [6]. Dans la littérature psychanalytique française, le terme psycho-somatique (avec cette orthographe) apparaît pour la première fois dans un texte d'Eugénie Sokolnika (1884-1934) « Quelques problèmes de Technique Psychoanalytique », Revue française de psychanalyse, 1929, n°1 (voir ici). Félix Deutsch est né en août 1884 à Vienne. Son père, employé de banque, décède quand il a cinq ans. Élève brillant, il étudie la médecine à Vienne et à Munich et choisit la médecine interne. Il milite à l'association Kadima qui lutte contre l'antisémitisme et soutient le mouvement sioniste du journaliste hongrois Théodore Herzl (1860-1904). C'est à Kadima qu'il rencontre Martin Freud (1889–1967), celui-ci l'introduit auprès de son père [7] qui le consultera, comme médecin, quelques années plus tard. À la faculté de médecine de Munich, il fait la connaissance d'Hélène Rosenbach (1884-1982), future patiente de Sigmund Freud puis de Karl Abraham, avec laquelle il se marie en avril 1912. Hélène Deutsch a joué un rôle considérable dans l'histoire de la psychanalyse et du féminisme. Pour Freud, ils forment « un couple qu’il ne fallait pas ruiner par l’analyse » [8]. Professeur de médecine interne à la faculté, Deutsch est également praticien à l'hôpital Wiedner (appelé aussi Wiedener) et médecin interniste du service de cardiologie (Herzstation) de l'hôpital universitaire. Il publie en dix ans une vingtaine d'articles importants sur les pathologies du cœur, des reins et des poumons. Il se spécialise également dans la médecine du sport. Il maintiendra jusque tard un grand intérêt pour la physiologie et les processus organiques [9]. Il s'intéresse dès 1911 aux relations entre l'inconscient et le corps [10] et organise, en 1919, un premier enseignement sur la clinique des névroses d'organes (Organneurosen). En janvier 1922, il publie le premier [11] d'une longue série d'articles, principalement consacrés aux relations entre la médecine et la psychanalyse, dans la presse médicale et psychanalytique. Deutsch participe également à la fondation de l'Ambulatorium de Vienne, auquel il ouvre des locaux à la faculté de médecine, en mai 1922 [12]. À la fois consultation psychanalytique destinée aux moins fortunés des Viennois et institut de formation, l'Ambulatorium voit s'activer de nombreux jeunes analystes, dont Hélène Deutsch, Anna Freud et Wilhem Reich. La même année, il commence une analyse avec Siegfried Bernfeld (voir encadré). En avril 1923. Deutsch diagnostique (« au premier coup d'œil ») un cancer avancé du maxillaire supérieur chez Sigmund Freud, mais renonce à le prévenir de la gravité de la maladie [13]. Freud le lui reprochera férocement [14]. Deutsch reste pourtant le médecin de sa fille Anna [15]. En 1924 il ouvre à l'hôpital Wieden (un autre établissement viennois) une « consultation pour les maladies organiques d'origine nerveuses » (Ambulatorium für nervöse Organkrankheiten) [16]. Quand éclate la polémique sur l'analyse profane en 1927, Deutsch prend une position contournée, mais finalement se prononce pour que l'exercice de la psychanalyse soit réservé aux seuls médecins [17]. En avril 1933, il se rend en Amérique et prend la parole à la tribune de la New York Psychoanalytic Society [18]. Inquiet de la montée du nazisme, il y retourne en février 1935 pour quelques semaines afin de préparer l'installation de sa famille. Hélène Deutsch arrive à Boston en septembre 1935 avec leur fils, Martin, né en janvier 1917 [14]. F. Deutsch les rejoint en février 1936 [9]. Les Deutsch retrouvent à Boston Hanns Sachs, Franz Alexander et Erik H. Erikson. Rompant brièvement avec leur exil, ils se rendent tous deux au XIVe Congrès de l'Association Psychanalytique Internationale à Marienbad en août 1936. Deutsch adhère à la Boston Psychoanalytic Society (qu'il présidera de 1951 à 1954). Plusieurs bourses lui permettent de poursuivre ses recherches (Massachusset General Hospital, Psychosomatic Research Laboratories du Beth Israel Hospital, Harvard Medical School). Mais sa personnalité indécise et discrète n'aide pas Félix Deutsch à s'imposer dans le monde médical et psychanalytique de l'East Coast [19]. Il se résout à partir pour St-Louis (Missouri) où il occupe la première chaire de médecine psychosomatique (Washington University Medical School, 1939-1941). C'est durant cette période que la nouvelle discipline s'installe véritablement dans le monde médical. En janvier 1939, Franz Alexander lance à Boston la revue Psychosomatic Medecine, organe de l'American Psychosomatic Society. Le premier article de F. Deutsch paraît dans le cinquième numéro de la revue (« Present Methods of Teaching ») en avril 1940. De retour à Boston, Deutsch se plonge dans ses recherches et son activité clinique. Il donne des conférences à la Simmons College School of Social Work (1942-1950) et à la Smith College School of Social Work, enseigne et témoigne de son expérience médicale à la Boston University (1941-1951), au Cushing Veterans Administration Hospital (1948-1952) et au Boston Administration Veterans Hospital [20]. Auteur prolixe, il se confronte entre autres à la difficile question de la formation des médecins et des psychanalystes ainsi qu'au non moins difficile problème d'une définition de la médecine psychosomatique. G. Hohendorf a recensé plus de 80 articles de F. Deutsch entre 1936 et 1964 [21]. Seuls deux d'entre eux ont été traduits en français : « A footnote to Freud’s fragment of an analysis of a case of hysteria » [22] et « Symbolization as a formative stage of the conversion process » [23]. Dans la footnote… », Deutsch rapporte sa rencontre avec Ida Bauer, la fameuse Dora, en 1922 à Vienne, 24 ans après sa courte analyse avec Freud [24]. Paul Roazen [25] note enfin que Felix Deutsch fut l'objet d'une insistante surveillance, organisée par le FBI dont il a consulté les archives (66 pages). Wilhem Reich, Erich Fromm, Oliver, le fils de Freud, Herbert Marcuse et Thomas Mann bénéficièrent des mêmes attentions. « Je me suis intéressé au dossier Deutsch, écrit Roazen, parce qu'il me semble être un exemple poignant de la façon dont l'hystérie anticommuniste a pu s'introduire (sweep up) dans la vie de citoyens ordinaires (unexpected) et la rendre compliquée ». Deux psychanalystes, parmi d'autres informateurs, ont accepté de collaborer avec le FBI (ils témoignent en faveur de Deutsch). L'enquête est arrêtée en 1954. Elle révèle un homme sans histoires, scrupuleusement honnête, un partenaire reconnu pour sa loyauté, aux opinions plutôt conventionnelles. |
Hélène et Martin Deutsch en 1934. M. Deutsch fut un physicien
des
particules
réputé qui participa au Manhattan Project (Lee Grodzins,
Martin Deutsch,
1917-2002, Biographical
Memoirs of the National Academy of Sciences,
voir ici).
Avant tout cela, il entreprit une analyse avec Mira
Oberholzer-Gincburg (1884-1949, voir ici)
puis Ralph Kaufman (1900-1977). Martin Deutsch eut deux
fils, dont Peter Deutsch, fondateur de la société
d'informatique Aladdin.
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Cette page a été mise en ligne le 1er mai 2016. |