ACCUEIL | Archives pour la psycho-somatique | HISTOIRE | Dernière mise à jour : 31 mars 2016 |
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Johann Ch. Heinroth | ||||||||||||||||||||||||||||||||||
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La brièveté des
notices consacrées à Johann Christian Friedrich August
Heinroth (1773-1843) nous invite à y ajouter quelques précisions
biographiques et bibliographiques relatives à la position qu'il occupe
dans la construction de la psychiatrie au début du XIXe siècle. Ainsi apprend-on qu'Heinroth a séjourné à Paris où il fut l'élève de Philippe Pinel (1745-1826) et de Jean-Étienne Esquirol (1772-1840), dont il est le premier à introduire les principes en Allemagne. Il a traduit et commenté leurs ouvrages [1]. Éminente figure de l’université prussienne, Heinroth a occupé à partir de 1811 la première chaire en Europe de « psychische therapie », qui deviendra notre « psychiatrie », terme dont on lui a parfois prêté l’invention. [2] Il est l'auteur de très nombreux ouvrages dont on trouvera les originaux à cette adresse. Le médecin de l'hôpital St-Georg verra ses travaux diversement commentés par les aliénistes français de la génération suivante. François Leuret (1797-1851) exécute d’un trait le christianisme touchant au mysticisme qui fonde sa doctrine : « Les aliénés ne sont pas des malades, mais des coupables […] que celui-là n’a pas à craindre la folie qui toute sa vie a tenu devant ses yeux et dans son cœur l’image de son Dieu […] la conséquence du principe posé par Heinroth, est qu’on ne doit pas traiter les aliénés, mais les punir […] Qu’Heinroth aille faire la médecine avec les anges et qu’il ne vienne pas, dans ses mystiques rêveries affliger et flétrir des hommes déjà trop malheureux ! »[3] Si Benedict-Augustin Morel (1809-1873) et Charles Lasègue (1816-1883) [4] estiment bien éloignées « des habitudes scientifiques de notre pays », les vertus thérapeutiques de la prière et du repentir que professe Heinroth, ils portent sur ses travaux un regard plus indulgent. « Hardi, consciencieux et sévère », celui-ci déploie au chevet de ses patients une puissante énergie et, disent-ils, insiste sur l’importance de la relation thérapeutique : « il faut qu’il sorte de la classe des médecins […]. Il est frappé de la grandeur et de la déchéance du malheureux qu’il soigne, et s’anime à cette lumière de la raison qui éclaire et qui réchauffe. Et quand il a grandi de la sorte en liberté, en dignité morale, il agit déjà sur le malade rien que par la sainteté de sa personne ». Morel et Lasègue lui reconnaissent également le mérite d’avoir tenté de « théoriser la folie », et relèvent en outre cette intéressante description de la conscience (das Gewissen) : « elle est dans le moi "comme une étrangère à la recherche de quelque chose qui devrait être en nous, mais n’y est pas" ». Parmi les auteurs contemporains, Henri F. Ellenberger dans son Histoire de la découverte de l’inconscient prend également la défense d’Heinroth « souvent ridiculisé de nos jours pour avoir proclamé que le péché était la principale cause des maladies mentales. En fait, il suffirait de remplacer le mot « péché » par "sentiment de culpabilité" pour conférer à ses idées une allure presque contemporaine » [5]. Dans le même fil, d'autres auteurs estiment également qu'Heinroth, en avançant la notion de Über-uns (le « Surnous ») aurait été un précurseur du Surmoi freudien (Über-ich). [6]. Peut-on également lui donner une place dans le champ pré-psychanalytique, parmi d'autres découvreurs, innombrables, qui éprouvèrent l'importance du transfert et du contre-transfert ? À notre connaissance, Freud ne cite pas Heinroth. Il apparaît cependant qu'il possédait dans sa bibliothèque deux ouvrages du psychiatre de Leipzig : Anweisung für angehende Irrenärzte zu richtiger, Behandlung ihrer Kranken (Bogel, Leipzig, 1825) et Geschichte und Kritik des Mysticismus aller bekannten Völker und Zeiteen (Hartmann, Leipzig, 1830) [7]. Heinroth appartient à « l’école psychique allemande » (dite aussi « spiritualiste ») — « qui définit la folie comme une altération du rapport de l’esprit à lui-même » (M. Foucault, Histoire de la folie) [8] Les « psychistes » (« psychiker ») seront critiqués par « l’école somatique » qui leur succède. À la tête des partisans de l’approche organisciste (les « somatiker »), Wilhem Griesinger (1817-1868), élève de François Magendie (1783-1855), l’un des fondateurs du Burghölzli, qui signifie sèchement que les maladies mentales sont des maladies cérébrales [9]. Griesinger compte parmi les psychiatres allemands qui influenceront les premiers travaux de Freud (plusieurs citations, notamment dans l’Interprétation des rêves), jusqu’en 1911. Heinroth aurait été également l’un des premiers à décrire la paranoïa (De paranoia fixa perperam dicta monomania, en 1842 [10]). Jacques Lacan le cite dans sa thèse de 1932, De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité (Seuil, 1975, page 21). On notera enfin qu'Heinroth est l'auteur de plusieurs volumes de poésies et de prose [11]. |
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Cette page a été mise en ligne le 4 décembre 2010. |